Grande galerie, Petite Galerie

Yahndawa' : portages entre Wendake et Québec

Type de projet

Exposition

Date

9 septembre 16 octobre 2022

Vernissage

9 septembre 2022 17h

Site web

Le projet

Yahndawa’ est ahaha’, une voie d’eau ancienne que la terre, ya’ta’, porte sur son dos. Ses flots ont transporté le ciel, yaronhia’, sur ses épaules bien avant de nous accueillir dans ses bras. Änen’enh; nous sommes ses enfants. Comme elle nous l’enseigne, les histoires et les rêves que nous portons se renouvellent au fil de nos relations, à la mesure de ce que l’on reçoit et de ce que l’on donne. Kwaweyih. Nos paroles, onywawenda’, sont aussi des promesses. Nos gestes marquent les écosystèmes; un jour, on bétonne les berges, un autre, on les libère pour que la vie reprenne ses droits. Tour à tour, nous portageons et nous faisons porter, nous nous relions entre nous et façonnons nos paysages. Onyiondih. Yithïa’ch.

– Andrée Levesque Sioui et Anne-Marie Proulx

 

Yahndawa’ est un échange entre sept artistes de Wendake et sept de Québec, qui ont été appelé·e·s à discuter de leurs pratiques, mais aussi à collaborer et à cocréer, avec le soutien de sept organismes artistiques. Suivant la rivière (yahndawa’) qui relie nos deux communautés – dénommée Atiawenhrahk/la Saint-Charles –, ainsi que l’idée de portages, chacun·e est arrivé·e dans ce projet avec son bagage, qui est ensuite amené sur de nouveaux territoires, avec la complicité des un·e·s et des autres.

Depuis 2020, un comité artistique formé de membres du collectif wendat et de VU se réunit régulièrement pour élaborer et faire évoluer ce projet d’échange visant à créer des liens entre nos deux communautés. Yahndawa’ est un échange à propos des pratiques artistiques, mais permet aussi plus largement de se pencher sur nos conceptions, nos façons de faire, nos visions, nos réalités, nos identités.

Fléché encastré : une œuvre collaborative d’Andrée Levesque Sioui, d’Érika Hagen-Veilleux et de Jeffrey Poirier

Le collectif d’artistes formé d’Andrée Levesque Sioui, Érika Hagen-Veilleux et Jeffrey Poirier proposent une cocréation faisant écho aux forces inhérentes à la nature et aux rencontres humaines ayant marqué leur processus. Inspiré par le dynamisme propre à l’eau et à la géologie, Poirier crée la structure, qui s’élève tel un monolithe massif et délicat, qui réfère à l’aspect incommensurable des forces naturelles qui l’animent. 

Ce dispositif fusionne avec un ouvrage textile, mettant ainsi en valeur la technique traditionnelle du tressage aux doigts de type fléché. Cette technique fut amenée et enseignée à Poirier et Hagen-Veilleux, lors d’une résidence d’artiste au printemps dernier, par Andrée Levesque Sioui qui pratique aujourd’hui le fléché dans son travail personnel. L’œuvre reflète ici le processus de rencontre, de discussion et de cocréation qui anime et lie les trois artistes.

Cet ouvrage de grand labeur, réalisé à la main par le trio, présente une zone réduite de perception des motifs et des couleurs, laissant planer une spéculation par rapport à ce qu’on peut voir, à l’image du milieu aquatique et des limitations de notre perception par rapport à cet environnement. L’intégration du fléché à la structure permet de réinventer et de défier la perception, affirmant l’aspect sculptural de l’œuvre, telle une fusion. Entre la géométrie rigide du dispositif et la souplesse du textile, un contraste fort se manifeste. Cette combinaison imaginée est ainsi un clin d’œil poétique au sillon creusé par la rivière au fil du temps, à ses qualités de liant, de créateur d’écologie, reliant les formes de vie, les communautés. Les motifs du fléché font référence au milieu aquatique, à la rivière, à Yahndawa’. À gauche, la structure révèle la matérialité brute des innombrables fils de l’ouvrage, donnant à voir la genèse du processus créatif.

 

Les Notes d’atelier d’Érika Hagen-Veilleux

Érika Hagen-Veilleux documente au travers ses Notes d’atelier les différentes étapes de création préparatoires de l’œuvre créée par son collectif pour le projet Yahndawa’. En utilisant des fragments sensoriels, des bribes de conversations et des observations situées de l’artiste, l’œuvre met en scène les méthodes photographiques et spontanées avec lesquelles on assemble et préserve les souvenirs et la mémoire du passé.

 Le récit poétique, littéraire, qui s’en dégage permet le rappel de la progression lente qui permet d’accéder à l’intimité. En suggérant un trajet narratif, rythmé et entrecoupé de respirations visuelles et dramaturgiques, Hagen-Veilleux incite les corps à se mettre en mouvement. Ces derniers témoignent ainsi de l’évolution grandissante de la proximité entre les membres du collectif dont l’artiste fait partie avec Andrée Levesque Sioui et Jeffrey Poirier. Avec Notes d’atelier, Hagen-Veilleux réfère à la chronologie des gestes, des intentions et des expériences partagées entre eux trois, qui constituent leurs liens d’amitié. Ainsi, Notes d’atelier invite le public à s’attarder au relief interpersonnel qui se trace entre soi et l’autre, à l’échange qui enrichit les relations humaines.

 

Andrée Levesque Sioui présente Onyionhwentsa’, onywawenda’ – Racines de l’oralité

L’artiste enseigne la langue wendat depuis plus de dix ans et pourtant les racines des mots de cette langue polysynthétique demeurent mystérieuses et fascinantes. Pour elle, les langues de ce territoire, comme les faciès des rivières, portent en elles la trace de leurs lieux de naissance, l’écho des relations entre humains et non humains. La racine, cette plus petite unité lexicale qui porte le sens principal d’un mot et à partir de laquelle on construit des mots-phrases, ces mots-rivières capable de faire voyager la parole, de se rappeler qui nous sommes et de lever le chant. Levesque Sioui matérialise une Yahndawa’ et son bassin versant comme une grand-mère qui porte les mots jusqu’à nous, elle qui n’oublie rien et qui a entendu la langue de ses ancêtres comme celui qui pétune paisiblement sur la rive avant de remonter dans son canot. Entre les deux, les mots apparaissent doublés dans un jeu d’ombres et de lumière.

 

Nos cœurs ratchets de Dgino Cantin et d’Aïcha Bastien N’Diaye

Nos cœurs ratchets est issu d’une rencontre entre deux univers créatifs, qui se fusionnent et s’entrechoquent au sein d’une installation poétique. Dgino Cantin et Aïcha Bastien N’Diaye s’allient dans une union surprenante qui mixe danse, sculpture, travail d’état, appropriation de l’espace et du geste. L’installation présente les traces d’actions effectuées, impulsives. Trois tableaux vidéographiques, où l’improbable revêt un aspect poétique, illustrent leur propre ambiance. Chacun joue de codes familiers éclectiques, empruntant à plusieurs univers, dont celui de la chasse, des cabarets enfumés ou encore des rings de boxe.

L’œuvre est en quelque sorte le métissage de l’univers respectif des deux artistes et met en valeur leur intérêt commun plutôt que de jouer sur leurs différences. Les sculptures de Dgino Cantin sont transformées en accessoires de mode, lourds et fragiles. Abandonnées aux mouvements et impulsions de Bastien N’Diaye, les sculptures sont soumises à une destruction qui fait sens, qui fait violence. Le montage vidéographique fait naître des narrations où gestes et élans sont produits dans de nouveaux contextes et à un rythme différent.

 

Philip Després, un Performeur sul neutre

 

Pas un seul geste mal placé !

Pas un seul cri !

Pas un seul pleur !

Pas un seul coup de masse dans le mur !

Pas de dérives !

 

Sur une longue feuille apposée au mur de l’exposition, Philip Després s’ouvre le cœur. Dans une lettre qui retrace son parcours dans Yahndawa’, le performeur fait l’aveu de ses réticences et ses malaises à participer dans cet échange. Després fait ainsi le choix de l’humilité, préférant mettre de côté l’éclat de ses actions performatives pour se mettre sur le mode de l’apprentissage encore à faire. Sa lettre dit tout haut les difficultés qui peuvent se poser quand on entre en relation avec une personne ou une culture qu’on ne connaît pas. Fort de sens et de sentiment, la lettre est récitée par l’artiste lors d’une performance, s’offrant ainsi autant à l’intime qu’au public.

 

Nicolas Renaud et le wampum

L’œuvre de Nicolas Renaud émerge de ses recherches sur un wampum (tissage de perles de coquillages) datant de 1678, fabriqué par des femmes wendat à la mission jésuite de Lorette.  Cet objet, « christianisé », présente une inscription en latin (« Les Hurons prient pour la Vierge qui va enfanter ») plutôt que des pictogrammes traditionnels avec lesquels étaient conservés la mémoire et les alliances des nations autochtones. Sachant le pouvoir du wampum, les missionnaires tentaient de les intégrer à leurs stratégies de conversion. Cet objet du XVIIe siècle était un cadeau d’alliance, qui fut envoyé à la Cathédrale de Chartes en France, où il est encore conservé aujourd’hui.

La fascination de Renaud pour ce wampum vient du dévoilement progressif de ses différents sens, à mesure qu’il étudie ses matériaux, son design et son contexte. Il y perçoit d’abord le reflet d’une assimilation culturelle et d’une soumission à l’Église, puis, plus en profondeur, la conservation des liens de la pensée ancestrale wendat. Renaud y voit également les racines profondes et multidimensionnelles de cet objet de parole, d’ententes politiques et de communication avec les esprits.  Notamment, l’insertion de petites perles européennes au travers les perles sculptées dans les coquillages donne à voir une conscience de l’hybridité culturelle, qui marque également la continuité de l’identité wendat et l’affirmation du territoire.

Pour semer ces questions et exprimer les émotions qu’il éprouve devant ce wampum, Nicolas Renaud reprend à son tour la combinaison des matériaux de coquillage et de verre, les faisant interagir avec la lumière d’une projection vidéo, jouant avec l’image de l’artefact original gardé dans les voûtes de Chartres. Ainsi, il tente d’invoquer les esprits des ancêtres qui vivent dans ces perles, de renouer avec la cosmologie wendat qui habite secrètement un wampum catholique.

À propos de l'artiste

Yahndawa' : portages entre Wendake et Québec

AÏCHA BASTIEN N’DIAYE

 

Aïcha Bastien N’diaye, est une artiste aux identifications multiples dans les cultures de la nation Wendat, africaine et québécoise, et dont l’énergie puissante s’exprime dans le métissage des formes qu’elle performe et danse. Entre danse traditionnelle de Pow Wow et performance, Aïcha est de plusieurs projets de création multidisciplinaires notamment avec les Ivanie Aubin Malo (Tangente), Barbara Diabo et Catherine Dagenais-Savard (Compagnie Marie Chouinard). Aïcha Bastien N’diaye a composé un des plus étonnants duos en performance avec Louis-Karl Picard Sioui lors du RIAPA (Rassemblement Inter nations d’Art Performance en 2018).

 

DGINO CANTIN

 

Détenteur d’une maîtrise en arts visuels de l’Université Laval, Dgino Cantin est basé à Stoneham-et-Tewkesbury. Cumulant plus de quinze ans de pratique artistique, il a exposé son travail dans différents lieux au Québec, au Canada ainsi qu’en Europe. Sa démarche a été soutenue par le Conseil des arts et des lettres du Québec et par le Conseil des arts du Canada et il est récipiendaire du prix Videre relève en 2005. Il enseigne au département des arts du Cégep Limoilou à Québec. 

 

PHILIP DESPRÉS

 

Philip Després a pris part à des classes de maître avec ORLAN, Olivier de Sagazan, Monty Cantsin et Liping Ting. En 2019, Després a reçu la bourse de perfectionnement par le CALQ, pour participer à l’atelier du Marina Abramovic Institute en Grèce. L’artiste est actif dans la formation électro pop Narcisse, qui a remporté la 2e place aux Francouvertes en 2020. Després a présenté sa première performance solo à la RLAP (Rencontre locale d’art performance) en 2021. Il sera interprète dans la 7e édition d’Où tu vas quand tu dors en marchant? au printemps 2022. 

 

ÉRIKA HAGEN-VEILLEUX

 

Érika est une artiste multidisciplinaire native de Québec, graduée de l’École de cirque de Québec en 2017.  Elle cherche par le corps, la voix, la musique et la parole les espaces où faire émerger des échanges durables au sein des différents milieux artistiques de Québec. Elle navigue dans le milieu du cirque (Théâtre À Tempo, Machine de cirque), les milieux littéraires (Productions Rhizome, Slamcap), de la musique (Bleu kérosène), de la danse et du théâtre (Collectif Les Bambines, Chevalier.e Érrante). En 2016, elle co-fonde le BAM[Bouillon d’art multi] ainsi que le collectif multidisciplinaire Les Bambines, qui allie théâtre, cirque, poésie et musique. Leur première création, Untouched Land alias toi pis ta solitude en sachet déshydraté, est présentée à Premier Acte en 2019. C’est aussi en 2019 qu’elle a l’opportunité d’être mentorée par la poète Marie-Andrée Gill, avec le soutien de Première Ovation Arts littéraires. 

 

ANDRÉE LEVESQUE SIOUI

 

Andrée Levesque Sioui, ou Kwe’dokye’s, est autrice, compositrice, interprète engagée dans la transmission de la langue, des traditions orales et des chants de sa communauté wendat. Sa conscience de l’histoire et de ses enjeux, ainsi que l’intégrité de son travail garantissent son apport dans l’ensemble de ce projet. Elle a notamment performé en duo avec Soleil Launière pour l’événement Équinoxe Autochtone du Cercle Kisis 2021; en duo d’oralités performatives avec Teharihulen Michel Savard à l’événement La Tente Parlante (Québec, 2020) et au RIAPA (Rassemblement Inter nations d’Art Performance, 2018). Kwe’dokye’s est aussi le pivot du spectacle performatif nomade Bingo Littéraire du salon du livre des Premières Nations, initié par Louis-Karl Picard-Sioui, créateur de Kwahiatonhk, en tournée depuis 2019.

 

JEFFREY POIRIER

 

Né en France en 1986, Jeffrey Poirier est un artiste en art visuel basé à Québec et membre de la communauté LGBTQ+. Boursier du Conseil des arts et des lettres du Québec, du Conseil des arts du Canada et de Première Ovation, il fut en 2020 lauréat du Prix Videre Création en arts visuels aux Prix d’excellence des arts et de la culture de Québec. Détenteur d’un baccalauréat ainsi que d’une maîtrise en arts visuels de l’Université Laval, il a présenté son travail entre autres lors d’expositions solos à la Galerie RDV (Nantes, France), au Youkobo Art Space (Tokyo, Japon), au Centre culturel Franco-Manitobain (Winnipeg), à Diagonale (Montréal), à Circa Art Actuel (Montréal) ainsi qu’à l’Œil de Poisson (Québec). 

 

NICOLAS RENAUD

 

Nicolas Renaud vit à Montréal. Cinéaste et artiste d’installation, il réalise des œuvres documentaires et expérimentales depuis la fin des années 1990. Il est également Professeur adjoint en Études des Premiers Peuples à l’Université Concordia. D’origine québécoise et autochtone, il est membre de la Première Nation huronne-wendat de Wendake.

Crédit : VU

Crédit : VU

Crédit : VU

Crédit : VU

Crédit : VU

Crédit : VU