Grande galerie

Philippe Caron Lefebvre
Esthétique du pic

Type de projet

Exposition

Date

8 septembre 15 octobre 2023

Vernissage

8 septembre 2023 17 h

Crédit : Philippe Caron Lefebvre

Le projet

Esthétique du pic

Après des projets récemment diffusés entre la Galerie Nicolas Robert à Montréal et l’Écart à Rouyn-Noranda, ainsi que des résidences de production passant par Los Chinelos à Tepoztlán au Mexique, à l’Atelierhaus Salzamt à Linz en Autriche jusqu’à la Napoule Art Foundation à Mandelieu-la-Napoule en France, Philippe Caron Lefebvre poursuit sa trajectoire en cumulant les corpus parmi lesquels il accorde une prééminence à la pointe et nommément à son esthétique. Cette propension — obsession — pour cette forme acérée se perpétue dans la présente exposition à L’Œil de Poisson à Québec qui s’appréhende telle une exhaustive taxonomie du pique. Il est ici montré sous toutes ses formes possibles. Il s’effile en d’innombrables variations au moyen des manipulations matérielles que lui insuffle Caron Lefebvre. Il y a une impression de déboussolement provoquée par l’excès de formes affilées : la recension est incommensurable. Le pic se distancie des évocations et des significations incisives que nous lui accordons plus communément. Nous nous retrouvons, devant les œuvres bi et tridimensionnelles, à la limite de l’intelligible, parmi l’infinitude des inspirations de l’artiste. Il s’agit là d’un monde illusoire calibré sur le pendule créatif du praticien oscillant entre le réel et l’irréel, le naturel et l’artificiel, l’utopie et la dystopie. Le corpus incite à prendre conscience des conventions d’une science-fiction propre à Philippe Caron Lefebvre et à s’ouvrir à des principes non logiques de certains phénomènes (in)explicables. Dans cette exposition heuristique, nous nous trouvons toutefois dirigés par les associations sciemment effectuées entre multiples domaines : références, entre autres, à l’histoire de l’art, à l’architecture défensive, à la mode du spikes, à la pratique du BDSM, à la nature évolutive et à diverses technologies.

 

La matière visuelle du collage occupe une place prédominante dans le corpus présenté à l’Œil. Une série d’assemblages enluminées d’images trouvées, découpées et accumulées depuis des années par l’artiste se décline telles d’imposantes mosaïques dans l’espace. Les éléments collés du polyptyque apparaissent entraperçus en arrière-plan à travers des percées géométriques vitrifiées par le biais de filtres colorés. À la manière d’entonnoir, les formes elliptiques guident nos regards parmi les agglomérations et canalisent ceux-ci pour mieux examiner la densité des photomontages et pour en retenir des textures — et des structures — insoupçonnées. Il en résulte une observation microscopique et une contemplation télescopique sur la pointe. Des collages sont voués à la faune et à la flore : cornes de mammifères, aguillons d’insectes, piquants d’espèces sous-marines comme les échinodermes et les coraux, épines de cactus et microns d’une pluralité de végétaux. Des coupures renvoient à la géologie, notamment à la dévastation des sols pour l’extraction de minéraux et de terreaux. L’une des autres combinaisons révèle des composantes d’architectures répressives et restrictives et des environnements surchargés de barbelés où formes et fonctions entrent en tension. Qui plus est, une association, plus désorientante, exhibe des anatomies vêtues de parures de cuir cloutées, sortes de parcelles sado-maso-érotique, incitant à considérer les notions de soumission et de domination. Des images de fashion-figures issue de la culture pop, comme Lady Gaga, s’entrecroisent et se superposent aux corporalités captives. La disproportion des gestes appliqués de découpe et de juxtaposition des photographies, l’intensité des couleurs engageantes de celles-ci, les formes tant repoussantes et qu’attirantes du lexique visuel, puis les allusions de l’immensité et de la proximité agissent tels des vecteurs stimulants à parcourir et, de surcroît, à découvrir la démesure d’Esthétique du pic. À proximité des collages, nous retrouvons une reproduction — commande — de Ritorno al castello (1969) de l’artiste italien Giorgio de Chirico : un chevalier et son destrier recouverts d’éperons. L’œuvre mène ainsi, au détour, tel un véhicule historico-temporel, à une sensation de déjà-vu ; vers des illusions surréelles.

 

Dans l’espace, du mobilier hostile, des chaises hérissées de vis ostensiblement inspirées de celles de l’artiste américaine Ann Hamilton et de l’artiste Allemand Gunther Uecker, déroute et oriente à la fois nos déplacements. La déambulation de part en part de cette installation marque en ce sens la dimension structurale du projet visant la systématisation du pic. Positionnées au sol, des pièces spikées en aluminium s’entremêlent à des faïences aux motifs de pointe. Des frictions sont ressenties parmi les reliefs de céramiques cartographiés de gestuelles, élevés en saillie ou creusés en sillon. Les glaçures irisées s’insèrent dans les textures façonnées. Les procédés techniques — empiriques — du savant de la matière à modeler qu’est Caron Lefebvre apparaissent quasi comme des méthodes scientifiques.

 

Cette exposition, véritable (re)présentation d’une fascination pour le pic, conduit peut-être Philippe Caron Lefebvre à l’intersection d’une potentielle finalité ; à une taxonomie absolue d’une esthétique.

 

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Un texte de Jean-Michel Quirion

 

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À noter à votre agenda culturel :

 

Le 15 octobre 2023, venez à la rencontre de l’artiste qui se cache derrière l’exposition Esthétique du pic, Philippe Caron Lefebvre! Tous et toutes sont convié.e.s dans la Grande Galerie pour une visite commentée offerte par l’artiste, qui débutera à 15h00 en guise de finissage d’exposition.

Cette rencontre avec Philippe Caron Lefebvre sera l’occasion d’en apprendre plus sur sa pratique artistique et ses inspirations pour son exposition. Vous pourrez lui poser des questions, discuter et bien sûr, découvrir ou redécouvrir ses œuvres en même temps!

À propos de l'artiste

Philippe Caron Lefebvre

Philippe Caron Lefebvre né en 1986 au Canada, est un artiste visuel multidisciplinaire. Il détient une maîtrise de l’Université Concordia, ainsi que d’un baccalauréat obtenu à l’Université du Québec à Montréal. Il a participé à plusieurs des résidences artistiques telles que l’Atelierhaus Salzamt (Autriche, 2022), La Napoule Art Foundation (France, 2022), Art OMI (États-Unis, 2019), Banff Centre (Canada, 2018) et a exposé son travail au Japon, en Italie, au Mexique, aux États-Unis et au Canada. Il a été récompensé par plusieurs bourses du Conseil des arts et lettres du Québec et du Conseil des arts du Canada. Il est représenté par la Galerie Nicolas Robert situé à Montréal.

 

Sa fascination pour le monde naturel l’amène à interpréter les phénomènes environnementaux par son processus de création artistique. Ses recherches portent attention à la faune et à la flore à travers la morphologie des espèces. Il veut créer des sensations et enchanter le spectateur, comme dans la rencontre entre un papillon de nuit et une source lumineuse. Ses images et ses objets peuvent provoquer des sentiments de peur et de dégoût, mais peuvent aussi être stimulants et séduisants, dépeignant un caractère de forces paradoxales. Afin d’explorer les tensions entre ces forces, l’artiste est influencé par le genre de la science-fiction. Caron Lefebvre s’intéresse à la manière dont la Sci-Fi possède un impact sur notre culture occidentale, à travers des fictions alternatives du passé et du futur, comme moyen de percevoir l’ère du temps. Ce genre permet une réflexion critique sur les enjeux sociaux, idéologiques, technologiques et écologiques. Il utilise principalement la sculpture, la céramique, le collage, le dessin et l’installation pour incarner sa vision.

Crédit : Vincent Drouin

Crédit : Vincent Drouin

Crédit : Vincent Drouin

Crédit : Vincent Drouin

Crédit : Vincent Drouin

Crédit : Vincent Drouin